Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

05/12/2013

"Confessions des nouveaux enfants du siècle" (Salvator) : un livre indispensable [2]

sddefault.jpgprofil2.jpg







Ce que Joël Sprung et Natalia Trouiller disent aux catholiques... mais surtout à la masse des non-chrétiens :

  


 

Notre note précédente (30/11) présentait le livre de Joël Sprung et Natalia Trouiller par rapport à la préface de Christine Pedotti, et constatait la difficulté, mais la nécessité, d'un dialogue entre catholiques d'aussi différentes « sensibilités ».

 

D'ailleurs la foi est-elle une « sensibilité » au sens contemporain du mot ? Non : à moins de faire un contresens en réduisant le spirituel au psychologique. Joël et Natalia sont deux croyants ; ils laissent leur cap à l'Esprit-Saint et font confiance au canal de l'Eglise. La préfacière y voit un tropisme, un besoin subjectif « d'obéissance » : elle y voit peut-être même un travers de génération... (elle ne le dit pas tout à fait, mais on sent qu'elle le pense).

 

Or « l'obéissance de la foi » n'est pas un tropisme. Ce n'est pas un besoin psychologique. Elle ne vient pas de notre nature : elle est donnée par grâce,  et c'est tous les jours une révolution en nous. « Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait... » (Romains 12, 1-2, Bible AELF). C'est ce que le croyant vit dans l'expérience de la prière dans la vie quotidienne, c'est le contraire d'un déploiement de pulsions, et c'est ce que doit comprendre celui qui s'interroge sur la démarche des croyants, sans quoi il l'interprétera de travers. Refuser de laisser l'Esprit-Saint transformer notre vie, ce serait sacraliser nos pulsions : auto-idolâtrie et résistance (conservatrice) à la révolution divine.

 

En s'ouvrant à cela, les croyants deviennent des inclassables : leur aventure est une « folie » aux yeux des païens, avertissait saint Paul (1 Corinthiens 1, 22).

 

Les inclassables

 

C'est exactement ce que sont Joël Sprung et Natalia Trouiller : des inclassables [1]... Croyants, ils diffèrent d'une grande part de nos contemporains de deux manières. Ils ne sont pas des individualistes par consumérisme : « nous sommes tous des individus devant Dieu » mais « nous sommes collectivement liés les uns aux autres par le Christ, et nous ne nous sauverons pas les uns sans les autres », dit Natalia. Et ils ne se bricolent pas une spiritualité low-cost  n'engageant à rien : « la prière n'est pas qu'un décentrement juste pour le plaisir de faire le vide en soi, mais plutôt, au contraire, pour faire le plein. Le plein de Quelqu'un d'autre que soi... », dit Joël.

 

Leur façon de voir la Bible n'est pas celle des conformistes de la fin du XXe siècle. Joël Sprung : « [le spiritualisme actuel devrait] lire notre culture à travers le prisme de l'évangile... Au lieu de ça, [il fait] l'inverse : complètement [moulé] dans la culture de notre temps, [abruti] comme tout le monde par la télé, les publicités, les discours du prêt-à-penser, [il ouvre] la Bible et c'est elle qui se trouve entièrement teintée de cette couleur culturelle... » C'est le contraire de la démarche du croyant, dont le « prérequis minimum » est de se dire « que si le passage biblique lu ne nous a pas posé une seule question c'est qu'il faut le relire encore. Sans devenir un fanatique non plus, mais comme simple disposition de l'Esprit : laisser à la porte tout ce qu'il y a de superflu en nous, avant d'ouvrir la Bible. »

 

Qu'il puisse y avoir du « superflu » en nous, c'est ce que nie en bloc le marketing commercial des comportements : tout ce qui monte en nous est forcément bon puisque ce sont nos « émotions », c'est-à-dire nos pulsions, toutes forcément commercialisables en hypermarchés ! C'est une rouerie sur laquelle le polygraphe ordinaire du rayon spiritualités ne s'interroge pas faute de la discerner, ou parce qu'il pense devoir être libéral-libertaire (tout en se croyant de gauche) sans voir que c'est l'annexe idéologique du système.

 

Joël et Natalia ne sont pas des relativistes. Mais ce ne sont pas du tout des intégristes. Contrairement à ce que disent les médias, l'intégrisme n'est pas le fait de croire en Dieu et de se trouver bien dans l'Eglise : c'est le fait de préférer la théorie plutôt que les gens – et de prendre le christianisme pour une théorie (du pouvoir). L'intégrisme est donc aux limites de l'hérésie, puisque le christianisme est tout autre chose qu'une théorie : c'est « une religion de la Parole », dit Natalia, et « cette Parole est à la fois une personne : le Verbe de Dieu, Jésus ; et un livre : la Bible... Communier et lire l'Evangile doivent nous conduire au même point : devenir parole vivante... La Parole de Dieu s'est faite chair, nous appelle à la manger, afin que nous soyons transformés au plus profond de nous-mêmes, ce qui modifie notre façon de voir et d'agir sur le monde. »

Dès que l'on a compris ça, la seule question intéressante devient : Jésus-Christ est-il oui ou non le Fils incréé, incarné, ressuscité, sauveur universel et pasteur d'une collectivité humaine – l'Eglise – dont les membres ne seront jugés que sur leur amour des autres en Jésus-Christ ? Oui, témoignent Natalia et Joël. Ecoutons Natalia : « Si nous nous contentons de lire la parole de Dieu sans aller vers nos frères, nous perdons de vue le Christ incarné. Si nous nous jetons dans la recherche du Christ crucifié à travers les plus faibles sans nous enraciner dans l'Eucharistie et la Bible, nous n'apportons à ces frères que ce que tout le monde peut leur apporter. Et il est très difficile de faire la synthèse de tout cela. Se laisser transformer par le Christ n'est pas une posture passive. C'est une bataille quotidienne... » « La Bible ne nous enjoint pas : ''dis !'', mais : ''sois !'', ce qui suppose de prendre la parole comme un révélateur de notre vocation propre, de ce que Dieu attend de nous, personnellement d'abord... » Donc lire la Bible est « une forme d'introspection ''égodécentrée'' où Jésus nous invite à une meilleure connaissance de nous-mêmes afin que nous soyons en vérité. »

 

Impossible par les moyens naturels

 

Pour chacun de nous, l'aventure d' « être en vérité » est impossible par les moyens naturels [2]. La vérité de nous-mêmes, nous avons à la découvrir ; on ne le peut que par grâce imméritée, dans une rencontre au plus intime avec un Dieu « intérieur à l'intimité, supérieur aux sommets de nos âmes », dit saint Augustin (Confessions, III, VI) qui dit aussi : « Voyez donc ce grand mystère, frères : le son de nos paroles frappe vos oreilles, le Maître est à l’intérieur. Ne pensez pas que l’on puisse apprendre quelque chose d’un homme. Nous pouvons attirer votre attention par le tapage de notre voix ; s’il n’y a pas au-dedans quelqu’un pour vous enseigner, ce tapage est inutile. » (Commentaire sur la première lettre de saint Jean, IV, II). Dans cette aventure intérieure on ne s'engage donc pas seul, et c'est le contraire du culte païen des pulsions : « Jésus, le Christ, lumière intérieure / Ne laisse pas mes ténèbres me parler ! / Jésus, le Christ, lumière intérieure / Donne-moi d'accueillir ton amour... » (liturgie des Heures).

 

Et dans la logique de l'Evangile, cette aventure intérieure n'isole pas la personne mais la tourne, en écho, vers les autres : « elle ne pourra pas rencontrer l'altérité si elle ne renonce pas à la solitude de la maîtrise absolue de soi », souligne Natalia Trouiller. Le tout dans le réalisme ! La Bible est tumultueuse, souvent violente et contradictoire dans ses récits de destins humains : ce n'est pas un argument contre elle (comme le croyait le bourgeois du XIXe) mais un signe de profondeur : « la parole de Dieu, c'est l'humanité en tension vers la résurrection, vers Jésus, c'est une tension qui nous embras(s)e tout entiers dans nos pulsions de mort comme dans nos pulsions de vie. » [3]

 

Cette « tension » est un appel et une grâce. Croire que l'Esprit ne souffle que sur les chrétiens avoués ne serait pas une idée chrétienne : « Le vent souffle où il veut ; tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d'où il vient ni où il va. Il en est ainsi de quiconque est né du souffle de l'Esprit », dit Jésus (Jean 3:1,8 - Bible AELF). « Je crois que lorsque quelqu'un aime et donne sa vie pour celui qu'il aime, même s'il ne professe pas la foi chrétienne, il se trouve habité par le Christ. Il est alors témoin, non de la foi sans doute, mais résolument de la charité. Dieu est amour/charité et cela est une vérité pour tous les hommes, qu'ils y croient ou non », dit Joël Sprung. L'intégrisme se crispe contre cette idée, qui vient pourtant de l'Evangile et n'annule donc pas la mission d'évangélisation (au contraire : elle la précise et l'immunise contre les déviances et les tentations de pouvoir sur autrui)... Joël Sprung ajoute : « En chaque personne il y a un cheminement singulier, au cours duquel l'expérience de foi, d'espérance et de charité progressent à des rythmes différents. » La mission d'évangélisation de chacun consiste à aider ce cheminement chez les personnes que la Providence lui envoie ; et tout ce qui – dans les faits et gestes du chrétien – bloquerait ce cheminement, serait un contre-témoignage et une faute grave. « Jésus Christ n'est pas mort pour une idée ni pour un idéal [4], mais pour nous arracher de façon on ne peut plus concrète à la mort. Et ça change tout... La foi au Christ ne se mesure pas autrement que par notre amour envers les autres humains, et un amour jusqu'à la Croix... Donner sa vie pour le salaud, l'indigne, ça me paraît compliqué si Jésus n'est pas derrière », dit Natalia Trouiller. [5]

 

Voilà ce que pensent réellement les croyants : rien à voir avec les réflexes sociologiques qui sont, selon Joël, « une forme d'obéissance sociale à l'Eglise, de l'ordre du désir mimétique, et non une obéissance spirituelle » (voir au début de cet article). Natalia : « Jésus durant sa vie terrestre n'a eu de cesse de proposer le Royaume des Cieux à tous ceux qu'il rencontrait. Lui-même n'a pas converti tout le monde ! Et nous devons garder cela en tête, ne pas nous enferrer dans un concept ''christianiste'', comme dirait Rémi Brague , qui serait un christianisme maurrassien, où finalement l'ordre social serait établi sur une conception très sociétale d'un Occident chrétien largement imaginaire. Mais, comme le Christ, aller à la rencontre fraternelle de tous, proposer sans relâche le Royaume, tout en nourrissant à cause de ce Royaume tous ceux qui ont faim. Humbles messagers de la vérité qui nous dépasse et que jamais nous ne détiendrons – la vérité c'est le Christ, et celui qui prétend le détenir est un menteur qui ouvre la trappe aux hérésies, puisque ce que je détiens je peux également le modifier... C'est là le paradoxe du chrétien : s'effacer le plus possible devant le Christ pour être vraiment cet être humain restauré et divinisable que le Christ propose à tous. »

 

 

« Nous sommes chrétiens », disent Joël et Natalia, et ce cri très simple – sans aucune volonté de pouvoir – s'adresse d'abord à tous les chrétiens (dont eux-mêmes) pour s'aider à sortir de la tiédeur et d'un « christianisme sociologique soumis au matérialisme mercantile » (dit Joël). Ce qui n'évangélise pas ne sert à rien ! Je recommande la conclusion du livre, écrite par Joël et Natalia ensemble, et qui contient une courageuse méditation-bilan sur la bataille contre la loi Taubira : « ...Nous ne pouvons nous empêcher de nous demander si cette cause, que nous croyons toujours juste, aura, telle que nous l'avons défendue, ramené plus d'âmes à Dieu qu'elle n'en a fait fuir... Le seul objectif est le salut des âmes et celui-là n'arrive pas par la loi... Nous ne pouvons pas nous comporter comme une citadelle assiégée et désirer en même temps que tout homme franchisse un jour le seuil de l'Eglise. Pour y entrer, non pour en sortir.  […] Nous ne pouvons espérer qu'en la perpétuelle nouveauté que la grâce fait jaillir. »

 

C'est si bien dit que je n'ajouterai rien, sinon ceci : achetez tous les Confessions des nouveaux enfants du siècle.



_______________

 [1] Pourquoi l'Eglise n'est-elle pas un parti ? Parce qu'on peut faire un parti de classe, ou de déclassés : mais jamais un parti d'inclassables.

 [2] Attention à l'encensement excessif de la « loi naturelle » auquel s'adonne une partie du catholicisme français. La loi naturelle au sens catholique (= les limites du créé, Genèse 2, 17) ne peut pas être une idolâtrie du sang et du sol. Pas plus que « l'identité chrétienne » (« il faut qu'Il croisse et que je diminue ») n'est compatible avec le mythe « identitaire » (« wir sind uns ») ; elle en est même l'inverse – contrairement à ce que croit l'ultradroite cathqui est allée jusqu'à encenser le seppuku d'un écrivain néopaïen dans le sanctuaire de Notre-Dame.

 [3] Natalia Trouiller. À l'inverse du moralisme bourgeois d'autrefois, la Bible prend en compte toutes les pulsions humaines : mais c'est pour les transcender, à l'inverse du paganisme qui les idolâtre.

 [4] même « non négociables ».

 [5] Ce qui ne veut pas dire que l'Amour au sens chrétien justifie n'importe quoi. NT : « On entend beaucoup que chacun est différent, que ce qui est vrai pour untel ne l'est pas pour tel autre, etc. L'Amour au sens chrétien part justement a contrario du postulat que si chaque individu est différent et unique, la nature humaine existe, et qu'elle est le matériau sur lequel s'articule toute singularité humaine... » « Le terrain par excellence de la sanctification chrétienne n'est moi-même qu'en tant que ce moi est amarré à autrui. Chacun pour soi et Dieu pour tous, ça n'existe pas, c'est un leurre. »

 

Commentaires

DEJÀ

> C'est déjà fait. Mais merci pour ce beau recensement!
______

Écrit par : Charles-Marie / | 05/12/2013

EN LIBRAIRIE

> "je n'ajouterai rien, sinon ceci : achetez tous les Confessions des nouveaux enfants du siècle". Vous êtes convaincant, je viens de le commander.
______

Écrit par : grzyb / | 05/12/2013

Hors sujet.

EUROPE

> J'aimerais beaucoup vous voir répondre à ça :
http://www.les-crises.fr/les-propositions-des-eveques/ - Les commentaires du tenancier de ce blog sont acides et, à ma grande confusion, je suis d'accord avec lui. Les évêques se sont trompés lourdement ou je n'ai rien compris à ce texte.

DidierF

[ PP à DidierF :
- Voir note du 15/11 et commentaires...
- Mais les évêques ne sont pas seuls en cause. Voyez le sondage constatant que les catholiques sont beaucoup plus favorables à la monnaie unique que la moyenne des Français ! Comme il n'y a rigoureusement aucun rapport entre une monnaie et l'Evangile, force est de conclure que le milieu catho hexagonal croit à la mythologie de "l'Europe-c'est-la-paix depuis-1945", et croit que l'euro fait partie de cela ; ce qui les conduit à ignorer un pan entier de la réalité économique. Ils seront déçus par les résultats. Aux innocents les mains vides...
- J'espère seulement qu'il y a peu de ces "innocents" parmi les auditeurs de Radio Notre-Dame, qui ont entendu l'économiste anti-euro Jacques Sapir deux fois en deux ans à l'émission 'Le Grand Témoin'. (La première fois il était mon invité). ]
______

Écrit par : DidierF / | 05/12/2013

DISCUSSION

> Ensemble très édifiant. Une remarque cependant :
"Le seul objectif est le salut des âmes" Bien d'accord ! en revanche la suite n'est pas totalement juste : " et celui là n'arrive pas par la Loi" : une société qui prône des lois contraire à la volonté de Dieu n'est pas favorable à l'épanouissement de l'homme...même si évidemment la sanctification des âmes vient par la grâce du Saint Esprit

Duport

[ PP à Duport - Que des lois néfastes nuisent aux âmes, c'est clair et personne ne le discute
(je rappelle que JS et NT ont participé aux Manifs pour tous). La question est : le salut des âmes peut-il arriver par "la loi", c à d la forme d'organisation de la société ? Et la réponse est massivement "non". Ou alors les chrétiens pendant les siècles de persécution romaine n'auraient pas accédé au salut... Hypothèse absurde.
Poser cette question n'est pas inutile. C'est même urgent aujourd'hui, où l'on voit se diffuser chez les cathos 'mainstream' l'hérésie du "salut par la chrétienté". La chrétienté quand elle existait n'était pas un sacrement du salut, mais simplement le produit d'une situation dans laquelle 98 % des Européens étaient chrétiens ; il en découlait que leur mode d'organisation sociale reflétait plus ou moins ce consensus religieux... Mais pas plus que ça.
D'où l'indignation de prêtres, il y a une quinzaine d'années, en voyant un pèlerinage s'annoncer sous le titre : "La chrétienté nous sauve". Absurde ! Nous sommes sauvés par Jésus-Christ, quelle que soit la forme de la société.
Cela n'empêche pas de rêver à une société dont les institutions et les mœurs seraient conformes à l'évangile ; tout en doutant qu'une telle société ait jamais existé, ailleurs que dans les images pieuses rétrospectives du XIXe siècle. Consultons là-dessus les historiens ! ]

réponse au commentaire

Écrit par : Duport / | 05/12/2013

JOYEUX

> Que c'est bon, que c'est joyeux, que c'est heureux. Le rapprochement des Eglises, des pays anciennement ennemis, et même, qui sait, des cathos des divers bords. Quel bon début d'Avent, de quoi s'ouvrir pleinement à l'Espérance... Merci !!!
______

Écrit par : Ninelene / | 05/12/2013

LA VOLONTé DE DIEU

> Duport cite: "la Volonté de Dieu", c'est bien évident!
Mais qui peut la déceler, la Volonté de Dieu?
C'est une question difficile à laquelle il nous faut être attentif tous les jours en ce qui nous concerne,encore plus difficile en ce qui concerne la société,
car cette Volonté, je me sens incapable de la déterminer, et, par expérience, je vois qu'elle nous est donnée, souvent de manière surprenante mais puissante, en réponse à un véritable abandon à Dieu. "Que Ta volonté soit faite" prions nous, avec ma femme tandis que les médecins essayaient en vain de réanimer notre Fils.
Mais tout cela à été dit ci dessus.
Alors, à propos de cette loi détestable, qu'en est-il?
Néfaste parce que contraire à la loi naturelle, oui, mais encore plus parce qu'elle ouvre la voie à la civilisation de la satisfaction des nos pulsions individuelles,ou l'être humain verra ses enfants commercialisés en hypermarché ( pour l'instant encore en clinique spécialisée), puis avec des modèles OMG, pulsions qui referment le coeur de l'homme à la présence conviviale du Christ.

Alors pour l'instant cette loi provoque une prise de conscience des dérives d'un "catholicisme sociologique" dénoncé ci dessus.
Que chacun puisse passer sa conscience au crible de la vérité du Christ.
Que ce blog continue à y apporter sa contribution.
______

Écrit par : Papounet / | 05/12/2013

TERRESTRE

> On est bien d'accord c'est Jésus qui nous sauve, et il ne sert à rien de rêver à restaurer ce qu'on appelait la "Chrétienté", mais la demande du Notre Père "que Ton règne arrive,que Ta volonté soit faite SUR LA TERRE comme au ciel" aspire bien à ce que le Royaume advienne dans ce monde même s'il n'est pas de ce monde.

S'il ne dépendait pas des chrétiens d'essayer de se battre pour un monde plus juste , pourquoi l'Eglise interviendrait pour combattre les totalitarismes (ex :Pie XII et plus récemment JPII qui a fortement contribué à faire tomber le communisme et ses "lois" erronées).
Effectivement la société idéale n'a jamais existé, impuissants que nous sommes devant "le spectacle ennuyeux de l'immortel péché"... Même St Louis qui a donné à la France les meilleurs lois possibleS a dû se résoudre dit-on, à instituer les bordels (bord de l'eau )...pour parler d'un sujet d'actualité !
______

Écrit par : Duport / | 05/12/2013

EN CORDEE

> Merci de nous livrer les bonnes pages de livres qui sont une vraie nourriture spirituelle.

Entre relativisme et laxisme, d'un côté, et intégrisme ou dogmatisme, de l'autre, le chrétien doit souvent arpenter un chemin de crête. Se sentir en cordée n'est pas du luxe quand le vertige du Néant ou bien celui de l'Autosuffisance nous guette.
______

Écrit par : XML / | 06/12/2013

REPONSES À DUPORT

> Je remets ici l'indication vers quelques éléments de réponses aux remarques très pertinentes de "Duport", que j'ai rédigés hier. A la base c'était surtout une méditation sur la liberté, en lien avec l'exhortation apostolique du pape et les sursauts des libéraux. http://www.pneumatis.net/2013/12/liberte/
______

En voici un extrait :

"La libération n’arrive pas par la loi ou l’absence de loi, elle n’arrive pas non plus par les droits. La libération est celle du péché, de la mort. Alors à quoi bon militer pour les droits des noirs, des femmes, des enfants, des personnes handicapées, des minorités religieuses, me diras-tu ? Certainement pas parce qu’on est plus libre quand on a plus de droits. De même qu’on n’est pas plus libre quand on est en meilleure santé, ou plus riche. Mais, et cela n’est pas négligeable, on a l’apparence d’une plus grande liberté.

[...]

[L'espérance chrétienne] est fondée sur l’idée que « l’amour mutuel, dans la participation à l’amour infini de Dieu, est la fin authentique, historique et transcendante de l’humanité » (Compendium de la Doctrine Sociale de l’Eglise, 55). L’amour dont il est question n’est pas un vague sentiment. Il est le fait de vouloir, pour chaque homme, ce que Dieu veut pour lui, sans condescendance ni projection de soi, et dans un lien de solidarité indéfectible avec l’humanité. Aussi, la revendication de droits, comme toute forme d’engagement en faveur du bien commun n’est juste qu’en tant qu’elle est signe du royaume des cieux dans l’ici et maintenant. Elle doit pour cela toujours s’enraciner dans cette question : est-ce que je rends témoignage de l’amour de Dieu dans ma démarche ? Et se poser cette question nous interdit de nous abstraire de ceux à qui s’adresse ce témoignage, à savoir le reste de l’humanité. C’est comme ça, il faut composer avec : avec ce qui fait signe, avec ce qui fait sens.

[...]

Mais il reste que le libéral qui défend dans ce monde la « liberté des puissants » n’a simplement rien compris à l’évangile. Parce que la liberté ne se conçoit pas sans ceux à qui elle se destine. L’évangile est bonne nouvelle pour les pauvres, délivrance des captifs et des opprimés, retour à la vue des aveugles (Lc 4,18 citant Is 61,1, en exergue sur ce blog). Le Seigneur renverse les puissants de leur trône, élève les humbles, comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides (Lc 1,52-53). Il ne consacre pas le libre-échange, la libre jouissance, ni même la liberté d’expression. Parce que défendre la liberté n’est pas tant de dire sur quoi elle porte, mais d’abord sur qui ! La liberté est la pierre angulaire de la dignité humaine, et elle concerne avant tout des personnes, non des comportements.

[...]

Alors s’il te plait, ne viens pas revendiquer de pouvoir placer ton argent comme tu veux, si ce n’est pas pour l’investir dans le royaume de Dieu. Ne viens pas réclamer la liberté d’entreprendre, si c’est pour que les peuples soient toujours plus prisonniers des exhortations publicitaires à consommer du superflu, et si ce n’est pas pour construire des hôpitaux, des écoles, ou toute sorte d’entreprise répondant ici et maintenant à l’appel de la dignité humaine. Ne viens pas défendre, au nom de la liberté, l’esclavage de celles que la vie conduit à vendre leur corps, au nom de l’esclavage des pulsions, dont sont aussi victimes ceux qui les baisent. Ne viens pas défendre le « libre » désir des adultes, leurs échecs, leurs incohérences et palinodies, sans subordonner absolument leurs droits au bien des enfants dont ils sont responsables. Ne viens pas te réclamer de la liberté d’expression, si c’est seulement pour parler, et pas pour écouter. Ne viens pas te dire libéral et réduire l’autre, l’ennemi politique, le croyant d’une autre religion, le fils d’une autre ethnie, à cette catégorie dans laquelle tu trouverais confortable de l’enfermer : tu en ferais alors un prisonnier, quand tu devrais t’en faire un ami."

Écrit par : Pneumatis / | 07/12/2013

à Pneumatis

> Intéressante méditation sur la liberté, que j'ai lue en intégralité. Attention cependant à une vision trop spiritualisante des enjeux temporels. Le même mot - liberté - désigne des choses différentes que l'on peut distinguer et hiérarchiser. Les libertés concrètes - politiques, économiques etc. - peuvent être pensées sans préjudice dans leur champ propre.
Et à mon avis, ces libertés concrètes ne peuvent être efficacement pensées en lien avec l'exode, l'expérience du désert, l'abandon à l'amour et à la providence etc.
Car ces libertés sont un moyen dans le champ politique et social, dont la mission est très prosaïque, ici et maintenant : prospérité, stabilité, protection, sécurité, paix, justice etc.

NB : bravo pour ton bouquin avec Natalia, et bon vent à l'ouvrage !
______

Écrit par : Guillaume de Prémare / | 08/12/2013

> Et bien non cher Guillaume ! Je crains que la vision par trop spiritualisante soit pour le coup de votre côté.

Il n'y a pas d'une part la liberté vécue dans le concret prosaïque de l'économie et de la politique, et de l'autre dans les choses «hautes» et sublimes de la foi. Dans ce bon vieux schéma chrétien-démocrate teinté de dualisme et de réalisme (dont on sait à quelles compromissions tragiques il a conduit!) on est une fois encore dans la désincarnation de la foi.

La foi et la politique ne se confondent pas plus qu'elles ne s'opposent. En Christ, TOUT est réarticulé.

C'est précisément aussi dans ce très concret prosaïque, celui de nos choix de vie, professionnels, consuméristes, d'investissements, etc que sont posés les enjeux du salut, le choix ou le refus de l'Exode.

Le Magistère ne dit pas autre chose quand il appelle à l'évangélisation des structures socio-économiques. Le salut personnel et collectif du monde est indissociablement lié, et déjà en germe PARTOUT où se jouent les relations entre les hommes, en Christ ou contre le Christ.

Une confidence renversante Guillaume : à partir de la semaine prochaine, je renonce définitivement au beurre industriel acheté dans mon Intermarché, et je fais le choix libre (ô combien dans la joie, croyez-moi!) du beurre cru de baratte, commandé dans le réseaux des ruches (http://www.laruchequiditoui.fr/community/homepage).
Incroyable mai vrai : figurez-vous que c'est un enjeu de foi ! Attention, je n'ai pas dit que me v'la sauvé pour une barquette de beurre ;)
Amitiés.
______

Écrit par : Serge Lellouche / | 08/12/2013

REALITE VIVANTE

> Ah oui, autre chose Guillaume :
"prospérité, stabilité, protection, sécurité, paix, justice".
Faisons exploser l'épaisse et nauséabonde couche de mensonges libéralo-mondains, qui recouvre la réalité vivante de chacun de ces mots séquestrés.

SL


( PP à SL - Voilà un sujet de synthèse, non ? ce blog est preneur. ]

répone au commentaire

Écrit par : Serge Lellouche / | 08/12/2013

SYNTHESE ?

> Ah moi j'veux bien Patrice ; avec plaisir même ! Mais il y en a pour au moins un siècle de boulot. Et puis va falloir sortir les masques, parce que franchement ça sent pas bon.

La mère de toutes les batailles est la bataille du langage. Quoi de plus spécifiquement humain que le langage? Comment une écologie humaine pourrait-elle éluder la question du langage?
Notre civilisation aux abois a autant besoin d'une désintoxication agricole et alimentaire que d'une désintoxication du langage.

On soumet les êtres à leur condition d'esclaves « prospères, en paix et en sécurité », d'abord en étouffant leur capacité de parler et de nommer le réel, en anesthésiant la charge explosive et libératrice que contient le langage vivant.

C'est le job des idéologues : brouiller les mots, les détourner de ce qu'il sont sensé nommer en leur donnant un sens radicalement perverti. Tout le reste suit. Quand on ne peut plus nommer le réel et se le représenter avec clarté, on ne peut plus agir librement. On est alors un esclave docile qui n'a que le mot liberté à la bouche.
Du « croissez et multipliez » de la genèse aux «premiers signes d'un retour à la croissance », il y a des himalayas de mensonges sous lesquels nous sommes en train de crever. Le Verbe fait chair est crucifié.

Au delà de ce qu'en dit Nicolas Baverez dans "Le Point", ça veut dire quoi, «la prospérité»?
______

Écrit par : Serge Lellouche / | 09/12/2013

@ Guillaume :

> pour te répondre j'irais dans le même sens que Serge. Simplement j'ajouterais, pour illustrer d'une autre manière, quelques références bibliques. Pour comprendre les enjeux temporels très prosaïques, mais en puisant toujours à la source de l'inspiration, il me semble opportun de regarder ce que la Bible nous dit de la politique, et de la forme qu'elle connait plus particulièrement, à savoir la royauté (mais néanmoins extensible à toute institution de gouvernement, si tu veux mon avis). J'ai eu un cours très intéressant là-dessus pas plus tard que ce matin, c'est pourquoi je t'en parle.

La Bible fait deux choses : une critique très vive de ce que les historiens appellent "l'idéologie royale", et la définition d'une "royauté idéale". La critique est très nette au chapitre 8 du premier livre de Samuel. Le peuple critique la judicature des fils de Samuel, qui au demeurant a fait l'erreur d'instituer juges ses fils, lors même que la judicature n'a rien d'héréditaire. Aussi, tant qu'à avoir un gouvernement "dynastique", le peuple demande à Samuel un roi pour être jugé "comme les nations"... à savoir comme les païens idolâtres. Samuel demande à Seigneur, qui lui répond que ce ne sont pas tant ses fils, que le peuple rejette, mais la royauté de Dieu. Ils veulent un roi terrestre, autrement dit ils veulent s'asservir, être "comme les nations", autrement dit symboliquement retourner en Egypte.

La réponse de Dieu (voir Dt 17) c'est de donner un roi, mais choisi par lui, d'une part, et qui, d'autre part... n'a aucune prérogative politique. Son roi sera soumis à l'autorité des prêtres qui lui dicteront la Loi, qu'il sera chargé de méditer jour et nuit. Le roi-messie est donc rien moins qu'un moine. La "libération" est à ce prix, à savoir d'un ordre temporel tout entier délivré des institutions humaines. Sans quoi, même le plus sage des rois, incarné dans la Bible par Salomon, sera à l'origine de l'infestation idolâtre, et par là d'un "retour en Egypte".

Si bien que j'entends qu'il soit possible de défendre certains mécanismes politiques, économiques... mais à aucune de ces institution il n'est possible, in fine, d'associer la liberté. Au mieux, elles seront jaugées sur une échelle du moins au plus liberticide. Mais elles resteront toujours, dans le meilleur des cas, un pis-aller, qui n'apportera au peuple que l'apparence ou l'espoir de la liberté (ce qui est déjà beaucoup).

La véritable liberté du peuple se trouve, en terre promise, dans un abandon total aux aléas de la Providence... instabilité qui à chaque instant nous fait réclamer la stabilité d'une institution... réflexe qui, chaque fois, n'est rien d'autre qu'un manque d'espérance.
______

Écrit par : Pneumatis / | 09/12/2013

@ Serge

> Argh Serge, c’est la première fois qu’on me taxe de chrétien-démocrate ! J’ai habituellement plutôt droit – au choix - à 'marxiste' ou 'réac’ :-)

On ne peut penser sans distinguer : distinguer les ordres (temporel/spirituel), distinguer le sens et la portée que recouvre un même mot, selon le contexte. Mais cela ne signifie pas qu’on ne puisse articuler. Au contraire, on ne peut articuler ce que l’on n’a pas préalablement distingué et hiérarchisé.

Je conteste que la spiritualité de l’exode et du désert constitue une métaphore valable dans l’ordre social. C’est pourquoi je renvoie à la mission de base de l’organisation politique, économique et sociale, à travers quelques notions simples qui me semblent valables. Comme le suggère PP, il y a ici un beau sujet de synthèse.

Mais avant la synthèse, il faut peut-être travailler chacun de ses mots. Par exemple, réfléchir à la notion de « prospérité » me semble incontournable… Je partage tout à fait votre point de vue sur le détournement du langage. On sait comment le mot « prospérité » est détourné au profit d’une effarante théologie de la prospérité ou encore de l’idéologie de la croissance. Il faudrait travailler pour donner tout son sens à ce mot. Mais si nous le rejetons, nous nous tirons une balle dans le pied, ou même en pleine tête.

@ Pneumatis

> Un roi qui s’inspirerait de tels principes politico-bibliques mènerait son royaume à sa ruine et le livrerait à la violence. Je te le dis franchement : pour moi, ton schéma de pensée se rapproche d’une forme d’exaltation religieuse. J’ai le sentiment que tu as une vision totalisante de la Bible, laquelle ne contient pas une révélation totale, et surtout pas quelque révélation politique. Je crois que, sur ce coup, tu as quitté à la fois le domaine de l’exégèse et celui de la raison ; et les deux sombrent dans un même mouvement.
______

Écrit par : Guillaume de Prémare / | 09/12/2013

@ Guillaume :

> Pourquoi ? Parce que je refuse d'assimiler la défense de telle institution et de tel mécanisme politico-économique à une défense de la liberté ? Il me semble que c'est toi qui "totalises" : moi je me contente de mettre en garde contre le fait d'idolâtrer les institutions et de voir dans les lois, ou leur abrogation, des nécessités pour le salut ou la libération (appelle-ça comme tu veux).

Pour le reste, je suis conscient des nécessités d'une administration de l'ordre temporel, et je dis même qu'en certains cas, on peut "éveiller" à la liberté, en donner un aperçu. Sans quoi, comme je l'ai dit dans mon article, je ne me fatiguerais pas à défendre telle ou telle cause pour plus de droits pour les uns, plus de prudence ou de sanction pour les autres, etc.

Mais si nous sommes des enfants, je refuse simplement que nous prenions notre cour de récréation pour la vraie vie, celle dans laquelle les conditions de la liberté nous sont données, à chacun, par Notre Père. Je prends au sérieux notre cour de récréation, mais quand j'ai un vrai problème, avec la liberté en particulier, c'est à mon père que je m'adresse.

« Qu’est ce qui sauvera le monde ? Ma réponse est : la prière. Il faut que chaque paroisse se tienne au pied de Jésus dans le Saint Sacrement dans des heures d’adoration. » (Mère Térésa)

Voilà, tout est dit.
______

Écrit par : Pneumatis / | 10/12/2013

@ Guillaume,

> Je ne vois en vous ni un marxiste, ni un réac, et dans le fond, ni un chrétien-démocrate. Pardonnez-moi, j'y suis quand même allé un peu fort sur ce coup là :)

Si je peux me permettre cette appréciation, on ne peut plus amicale sachez-le, je vois plutôt en vous une personne qui se situe entre deux eaux.
Vous êtes trop humain pour percevoir intuitivement que la philosophie libérale est une monstruosité dans l'ordre prosaïque de l'économie et/donc une pure imposture dans l'ordre de la foi chrétienne. Vous en faites d'un côté la critique, et pour autant, de l'autre, en vous lisant régulièrement, il me semble que vous en demeurez pour une large part tributaire dans vos modes de représentation du réel, quelques soient ces niveaux du réel.

Ainsi vous redites, au sujet du papier de Joël :
«Je conteste que la spiritualité de l’exode et du désert constitue une métaphore valable dans l’ordre social», et vous renvoyez l'ordre de la politique à sa nature strictement fonctionnelle, ne visant à rien d'autre qu'à assurer aux hommes une prospérité et une sécurité de bon aloi (ce qu'entre parenthèse elle ne fait évidemment pas).
C'est là une erreur de perspective fondamentale, et j'insiste, avant tout du point de vue de la foi catholique et des positions du Magistère de l'Eglise.

Il y a toujours dans ce discours libéral, derrière une posture toujours très modeste et minimaliste autour des choses de l'économie qu'il s'agirait d'appréhender ni plus ni moins que dans leur simple banalité routinière, une volonté acharnée et toute-puissante, évidemment non-dite, d'aplatir l'ordre de l'économie et de la politique sur un plan strictement immanent, de l'arracher une bonne fois pour toutes à la source transcendante à laquelle toute activité humaine demeure pourtant subordonnée PAR notre foi. Tout totalitarisme se construit d'abord sous ce mode.

La distinction complète entre les choses de la foi (donc aussi la dimension de l'Exode et du désert qu'elle contient) et les choses basiques du social, distinction que vous faites vôtre ici dans ce propos, est à la fois ce qui arrangerait bien les libéraux (pour leurs petites affaires), ce qui fait le cœur même de leur idéologie, et ce qui la rend intrinsèquement incompatible avec la foi catholique.

Ah, on aimerait tellement bien un pape qui se contenterait de nous rappeler du haut des balcons du Vatican les fondamentaux dogmatiques de la foi, et qui nous laisserait notre conscience tranquille avec nos petites affaires économiques et politiques très prosaïques, qui relèveraient elles de leurs propres lois, auxquelles François n'aurait pas été formé.

Manque de bol, François, dans la continuité de ses prédécesseurs, est par excellence le pape de l'évangélisation des structures politico-économique du monde, avec tout ce que cela implique et tout ce à quoi cela nous appelle dans le plus concret de nos choix personnels en matière économique et politique.
Le temps de nos petites affaires prosaïques imperméables aux grandes affaires de la foi est terminé.

François réencastre et rétablit dans la foi l'unité, la cohérence de tout ce que le libéralisme a dissocié et atomisé.
Oui, maintenant, dans tous les domaines de nos vies, au nom de notre Seigneur, certes de façon balbutiante et imparfaite mais résolument, il nous faut choisir entre le confort de l'Egypte et l'abandon dans l'Exode.
______

Écrit par : Serge Lellouche / | 10/12/2013

Guillaume,

> je complète mon commentaire précédent car il me semble que vous prenez prétexte que toute forme de messianisme politique est une (dangereuse) illusion, ce en quoi je suis totalement d'accord avec vous, pour tenter de justifier une pure autonomie politico-sociale (réduite à ses fonctionnalités basiques) vis à vis des enjeux de la foi et de l'Exode, ce en quoi je suis en total désaccord avec vous.

Le rejet du messianisme politique ne doit signifier en rien le rejet de la dimension politique de la foi.
La foi catholique porte en elle-même une mystique politique puisque le Royaume de Dieu est révélé comme une Cité. Dieu se donne aux hommes par le Christ, qui est l'incarnation, au cœur même du temporel et des aléas de l'histoire humaine, du Royaume.

L'incarnation de Dieu dans l'histoire des hommes ne consiste pas dans le triomphe terrestre de la royauté sociale du Christ, mais, dès ici-bas, en son annonce, en sa préfiguration, en sa lente maturation, en vue de son accomplissement définitif à la fin des temps, par la Croix sur laquelle le Roi des cieux nous ouvre les portes de la Cité éternelle.

Le cardinal de Lubac, exprimait en ces termes la dimension profondément sociale et historique du christianisme :
«Le christianisme, par sa conception du salut constitue un fait unique dans l'histoire religieuse de l'humanité. Seul le christianisme affirme à la fois, indissolublement, pour l'homme une destinée transcendante et pour l'humanité une destinée commune. De cette destinée, toute l'histoire du monde est la préparation. Le dogme est fondamentalement social et historique : l'histoire de la pénétration de l'humanité par le Christ.»
(Cardinal de Lubac ; Catholicisme ; les aspects sociaux du dogme).

C'est en cela que la rédemption revêt une dimension sociale, le Christ rachetant non seulement les personnes mais indissociablement aussi l'ensemble des relations sociales :

«Confesser que Jésus a donné son sang pour nous nous empêche de maintenir le moindre doute sur l’amour sans limite qui ennoblit tout être humain. Sa rédemption a une signification sociale parce que «dans le Christ, Dieu ne rachète pas seulement l’individu mais aussi les relations sociales entre les hommes».[142] Confesser que l’Esprit Saint agit en tous implique de reconnaître qu’il cherche à pénétrer dans chaque situation humaine et dans tous les liens sociaux.» (Exhortation apostolique Evangelii gaudium, Chapitre 4-1).
______

Écrit par : Serge Lellouche / | 10/12/2013

@ Serge et Pneumatis

> Parmi les missions de base du politique, me semblent essentielles les notions de prospérité, de stabilité et de sécurité (ou protection), tout simplement parce que ce sont des besoins de base pour la personne humaine sur cette terre. C’est le devoir du politique de créer les conditions qui favorisent cela, au mieux des moyens dont il dispose.

Si les institutions n'ont pas la stabilité et l'autorité suffisantes, les hommes sont la proie des violences et des prédations qui traversent ce monde. Regardez les pays d'Afrique sans stabilité ni autorité des institutions politiques : ruine et violence. Et regardez nos pays où l'autorité du politique sur l'économique est faible : prédation des firmes et des banques.

Pour moi, l'exégèse politico-biblique de Joël sort la réflexion politique du champ de la raison, et c’est pour cela qu’elle arrive à une conclusion déraisonnable : l’idée que la recherche de stabilité des institutions soit « un réflexe qui, chaque fois, n’est rien d’autre qu’un manque d’espérance ». Vraiment « chaque fois » et « rien d’autre » ? S’il s’agit de dire – ce qui semble davantage le cas dans la dernière réponse de Joël – qu’il faut se garder d’idolâtrer la stabilité des institutions, je suis d’accord. Mais affirmer l’importance du principe de stabilité, ce n’est pas idolâtrer ; pas davantage que l’affirmation du rôle essentiel de l’Etat n’est idolâtrie de l’Etat.

Quant à l'idée que "la véritable liberté du peuple se trouve, en terre promise, dans un abandon total aux aléas de la providence", c’est inintelligible au plan pratique, dans l’ordre politique et social. Les libertés, dans cet ordre, c’est concret et identifiable : la liberté de qui, de faire quoi, dans quelles limites, pour quel objectif, avec quelles conséquences etc. Les libertés pratiques signifient autre chose que la libération de la mort et du péché, elles ne sont pas du même ordre, elles ont leur champ propre. Et on est fondé à utiliser le mot "liberté" pour les désigner.

Je crois de la même manière que l’idée que nous devions « choisir entre le confort de l’Egypte et l’abandon dans l’exode » est une formule élégante qui peut séduire l’esprit, mais que cette affirmation se trouve là encore hors de la raison. Dire aux hommes qu'ils ont le choix, sur cette terre, entre l'esclavage et l'errance, c'est dire que la société n'est pas possible, c'est dire que la destinée terrestre se joue entre être robot ou sauvage.

On est loin d'une mystique politique...
______

Écrit par : Guillaume de Prémare / | 10/12/2013

@ Pneumatis :

> "La réponse de Dieu (voir Dt 17) c'est de donner un roi, mais choisi par lui, d'une part, et qui, d'autre part... n'a aucune prérogative politique. Son roi sera soumis à l'autorité des prêtres qui lui dicteront la Loi, qu'il sera chargé de méditer jour et nuit"

Le roi d'Arabie saoudite écoutant les oulémas (je plaisante…) ?
______

Écrit par : Feld / | 10/12/2013

> Désolé de vous le dire de façon un peu rude Guillaume, mais quand même : que de rondes subtilités rhétoriques sur les besoins basiques de la personne humaine sur cette terre et de ronflantes considérations sur l'autonomie des sous-systèmes, afin de ne camoufler qu'une seule chose : l'incompatibilité radicale entre nos services rendus à l'économie libérale et nos services rendus à Dieu !

Demandez-vous plutôt pourquoi les libéraux s'acharnent à défendre «des lois de l'économie» qui auraient leur autonomie propre (auxquelles François n'aurait rien compris), d'un tout autre ordre que celles de la spiritualité de l'exode et du désert, confinées elles dans le champ privé de la fo i?

L' «autonomie des lois de l'économie», comme on dit avec un langage dentelé, tant revendiquée par ceux qui ont intérêt à la préserver, c'est quoi? C'est l'absence de tout principe limitatif et transcendant, venant contrecarrer la dynamique et la finalité UNIQUE de toute entreprise capitaliste : faire du fric. Point barre. Bref, faire précisément ce qui ne rejoint pas les besoins basiques de la personne humaine sur cette terre.
______

Écrit par : Serge Lellouche / | 11/12/2013

@ Guillaume :

>> "Parmi les missions de base du politique, me semblent essentielles les notions de prospérité, de stabilité et de sécurité (ou protection), tout simplement parce que ce sont des besoins de base pour la personne humaine sur cette terre."

Admettons. C'est une hypothèse tout à fait recevable.

>> " C’est le devoir du politique de créer les conditions qui favorisent cela, au mieux des moyens dont il dispose. "

Là je ne suis pas sûr de bien identifier par ce que tu nommes "le politique". J'ai envie de te dire que c'est un devoir de chaque membre d'une société ; devoir qui précède (et justifie le cas échéant) la création d'institutions dédiées à cette fonction.

>> "Si les institutions n'ont pas la stabilité et l'autorité suffisantes, les hommes sont la proie des violences et des prédations qui traversent ce monde. Regardez les pays d'Afrique sans stabilité ni autorité des institutions politiques : ruine et violence. Et regardez nos pays où l'autorité du politique sur l'économique est faible : prédation des firmes et des banques."

Le constat est juste, mais la cause est vue par la petit bout de la lorgnette... c'est là que l'idolâtrie de l'institution pointe son nez. Les violences et prédations sont D'ABORD et EN PREMIER LIEU les conséquences du péché. Et c'est capital à tenir pour, je crois, mettre en place des institutions qui soient les plus justes possibles. Parce qu'aussi stable, du point de vue humain, que soit une institution, elle ne sauve pas du péché. Elle peut, le cas échéant, contenir la violence, mais elle ne peut pas l'éradiquer. Si bien que lorsque la violence s'exprime dans une société, et qu'elle motive les hommes à intervenir pour la combattre, à intervenir pour établir la paix, on doit être porté à interroger aussi l'origine de la violence dans ses enjeux mystiques. Une institution combattra d'autant mieux la violence qu'elle sera "un signe efficace" et non pas seulement "une pratique efficace". Sans quoi, on est condamné à mettre en place des dispositifs à court terme, efficace a priori, mais qui sont des bombes à retardement quant à la violence qu'ils préparent.

Je prends un exemple qui va te parler. La logique humaine, imparable, voudrait qu'on mette en place un contrôle des naissances, aujourd'hui ou demain, mais un jour au moins : même dans une logique décroissante, le fait de vivre dans un monde aux dimensions finies oblige à penser que la population humaine ne pourra croître à l'infini. Ou alors on en vient à ce paradoxe d'espérer des catastrophes naturelles et des épidémies pour faire baisser les compteurs de temps en temps.

Nous voyons bien, toi et moi, comment l'idée de limiter volontairement la démographie mondiale s'oppose à l'accueil inconditionnel de la vie. En cela, le principe d'accueil inconditionnel de la vie est une cause d'immense instabilité, dans le sens où, à vue humaine, elle nous emmène dans le mur. Le jour où nous serons tous les uns sur les autres, dans chaque recoin de la terre (j'exclue pour l'heure l'idée d'aller peupler d'autres globes), une institution stable sera celle qui pratique institutionnellement la contraception, qui avorte le surplus, qui sanctionne voire qui interdit la reproduction naturelle, que sais-je encore. Aucune logique politiquement rationnelle ne te permet de tenir comme compatible avec le principe de stabilité, le principe d'accueil inconditionnel de la vie. A vue humaine.

Oui mais, ce principe d'accueil inconditionnel de la vie a une dimension mystique... je ne vais pas faire l'affront ici de la détailler. Simplement, c'est le "signe" de quelque chose. A l'inverse, une institution qui, même à contre coeur, même en dernier recours, même selon la moins inhumaine des modalités, établirait un principe de contrôle des naissances pour "stabiliser" notre monde, serait un signe, au plan mystique, extrêmement négatif : quelque chose de l'ordre du rejet de la grâce divine qui est source de toute nouveauté. Produire, instituer, le signe du rejet de la grâce, c'est déjà produire dans l'invisible, efficacement, ce rejet de la grâce. Si bien qu'à terme, ce qui se présentait comme une mesure de stabilité dont la détermination est en tout point rationnelle, conduirait au chaos et à la mort.

On peut essayer de réfléchir à des tonnes d'alternatives, dans mon exemple, et invoquer in fine l'espoir qu'une solution se présentera à nous avant d'avoir besoin d'en arriver là. Mais tu vois là que cet espoir, c'est bien ce dont je parle : c'est déjà ce qui nous fait passer du rationnel du politique, à quelque chose de plus grand. Voilà, je crois, un exemple qui explique bien ce que je voulais dire, concernant l'espérance, les institution, et le confort du "rationnellement efficace".

>> "Quant à l'idée que "la véritable liberté du peuple se trouve, en terre promise, dans un abandon total aux aléas de la providence", c’est inintelligible au plan pratique, dans l’ordre politique et social. Les libertés, dans cet ordre, c’est concret et identifiable : la liberté de qui, de faire quoi, dans quelles limites, pour quel objectif, avec quelles conséquences etc. Les libertés pratiques signifient autre chose que la libération de la mort et du péché, elles ne sont pas du même ordre, elles ont leur champ propre. Et on est fondé à utiliser le mot "liberté" pour les désigner."

Tu vois là, je ne tiens rien d'absolu. Je tiens du conjoncturel. Mais mieux, de la casuistique. J'ai envie de te dire que je suis d'accord avec toi, parce que je te connais un peu, et que je sais ce que cela signifie pour toi. Mais à quelqu'un qui joue le jeu du "catholique donc libéral, parce que la liberté est une valeur essentielle de la foi chrétienne", en gros je réponds : tu confonds, mon ami. La liberté de la foi chrétienne n'a pas grand chose à voir avec tes "libertés pratiques" de consommer, produire et vendre tout ce qui te plait comme ça te plait. Voilà, c'est tout.

Tu vois Guillaume, je suis tellement "totalisant" que pour faire bonne figure, je me laisse aller de temps en temps à la casuistique. ;)

>> "Dire aux hommes qu'ils ont le choix, sur cette terre, entre l'esclavage et l'errance, c'est dire que la société n'est pas possible, c'est dire que la destinée terrestre se joue entre être robot ou sauvage."

Et là pourtant je le maintiens. Oui nous n'avons le choix qu'entre l'esclavage et l'errance, et non cela ne rend pas la société impossible, pas si on a l'espérance du royaume des cieux. Ce la ne veut pas dire "tout blanc ou tout noir". Comme je l'ai dit il peut exister des "signes de liberté" au niveau social. Mais je crois devoir rester insatisfait jusqu'à l'avènement du royaume. Comment cette société libre, soit errante soit parvenue à sa fin mystique, est-elle possible ? Je le reconnais, cela reste de l'ordre du mystère. C'est le jeu du temporel de nous laisser en marche, justement. Et c'est dans cette part d'errance que se trouve l'essentiel de notre liberté.
______

Écrit par : Pneumatis / | 11/12/2013

FRANCOIS

> J'ajoute que mon propos ne fait finalement que développer, à ma manière, celui du pape François, que PP a indiqué dans sa note sur "La foi n'est pas le confort du week-end".
______

Écrit par : Pneumatis / | 11/12/2013

@ Serge

> Je ne camoufle pas, et je ne crois pas avoir promu le libéralisme quand même…
Après, il y a peut-être une différence de tempérament spirituel. Je suis un sédentaire enraciné et je n’ai pas la spiritualité du désert. Je cherche à protéger du chaos les choses fragiles qui ont un sens et une beauté ici-bas. Mais je ne veux pas invalider votre propre expérience spirituelle, qui est sans doute différente (au passage, je le dis aussi à Joël…)

@ Pneumatis

> Je n’ai pas le temps de développer mais là je dois dire que nos vues se rapprochent ! En tout cas je comprends mieux, après ce post, ta vision des choses, c’est plus concret ; et je pense que tu as manifestement mieux compris la mienne. Merci pour cet échange un peu musclé mais stimulant !
______

Écrit par : Guillaume de Prémare / | 12/12/2013

MOZART, GUILLAUME

> Bon ben comme nos engueulades fraternelles se concluent généralement en musique, je vous propose que nous protégions du chaos cette vénérable et ancestrale tradition...
http://www.dailymotion.com/video/xs5xa_1-mozart-concerto-n-20-joao-pires_music (et là, je sais qu'on sera d'accord Guillaume ;-)
______

Écrit par : Serge Lellouche / | 13/12/2013

UN BIEN FOU

> Serge, vous ne pouviez trouver plus parfait(s) accord(s) entre nous !
Ce 1/4 d'heure fait un bien fou.
Les furtives incursions en mode majeur sont un délice, on croit au renversement, le temps d'une petite seconde, et puis non, la grande marée mélancolique reprend ses droits, inexorable.
Merci !
Amitiés
Guillaume
______

Écrit par : Guillaume de Prémare / | 13/12/2013

A chacun

> excusez-moi d'arriver après les combats, merci Sergeï pour ce partage mozartien que je ne peux malheureusement encore écouter que distraitement pour me préserver (oui, un jour tout ce sera transmuté en joie céleste, un jour!en attendant il faut tâcher de vivre).

Le message du pape François pour la journée mondiale de la Paix répond ce me semble de manière extraordinaire à vos interrogations et débats, avec sa méditation sur Caïn l'agriculteur et Abel le berger. Le propriétaire terrien, sédentarisé, qui entre en jalousie de son frère berger itinérant. Et pourtant tous deux étaient, sont, appelés à vivre ensemble, à se recevoir comme frères d'un même Père. La mise au ban permanente, tout-au-long de notre histoire, des juifs, Tziganes, Roms, migrants et autres frères errants, de ces sans-pays,(et donc vus comme hors-la loi) m'interroge douloureusement. Ne continuons-nous pas le meurtre d'Abel, nous les descendants de Caïn? Ne sont-ils pas là pour nous rappeler la destination universelle des biens, et notre vocation profonde de pèlerins? Nous ne possédons rien, mais le monde entier est en notre jouissance, pourvu que nous nous vivions en enfants du même Père.
______

Écrit par : Anne Josnin / | 14/12/2013

Les commentaires sont fermés.